Les sentinelles du climat

Inde / 2012

Le mot « paysan » est aujourd’hui devenu péjoratif, dénigrant, dévalorisant. Ce sont pourtant les paysans, qui sont à l’origine de la chaîne alimentaire et qui nourrissent le monde. Jardiniers de notre planète, ils nourrissent les populations, contribuent à un environnement durable, luttent contre le changement climatique et préservent la biodiversité.

A la fin des années 60, le Premier Ministre indien, Jawaharlal Nehru, a lancé la « Révolution verte » dans le but d’augmenter les rendements. Les paysans ont été convaincus d’abandonner leurs méthodes biologiques traditionnelles pour cultiver selon des méthodes modernes, américaines. Habitués à cultiver eux-mêmes leurs propres semences, l’arrivée des variétés à haut rendement les a contraints à acheter des nouvelles semences et à remplacer les engrais biologiques à base de bouse de vache par des intrants chimiques et à labourer avec des tracteurs plutôt qu’à l’aide de boeufs: pris dans un cycle infernal, ils tuent leur propre terre et s’endettent chaque année un peu plus pour des engrais toujours plus puissants.

La mondialisation aidant, l’impact économique est désastreux : baisse des prix agricoles mais hausse des coûts de production.

A cela s’ajoute les mauvaises conditions climatiques. L’Inde y est d’autant plus sensible car 70% de la production agricole est tributaire de la mousson. Les précipitations ont lieu de juin à septembre et leur intensité détermine les niveaux de production de l’année notamment pour le blé qui est un des produits de base de l’alimentation indienne. Pas assez de précipitations ou au contraire trop de précipitations influencent le rendement soumettant ainsi la production indienne à une grande variabilité.

Les conséquences humaines sont dramatiques: pris dans un cycle de dettes insurmontables, 250 000 fermiers indiens se sont suicidés ces 16 dernières années, soit un suicide toutes les demi-heures. Beaucoup d’entre eux se donnent la mort en ingurgitant leurs engrais.